LES HORLOGES
Cette histoire se déroule dans un manoir très ancien et très redouté. On dit qu’il est maudit à cause son premier propriétaire, qui y est mort dans d’étranges circonstances. Depuis des centaines d’années, ses habitants fuient le manoir entre trente secondes et une heure après y avoir emménagé. Ils disent y entendre des voix, voir des objets voler…
Un jour, un jeune homme tout juste diplômé décida de s’y installer. Les habitants de la ville essayèrent de lui expliquer l’étrangeté du manoir mais il décréta que l’endroit lui convenait tout à fait, très vaste et très isolé de la population. On le laissa donc s’installer, ne sachant que faire devant tant d’arrogance.
Le nouveau propriétaire entra dans sa demeure, très satisfait de l’affaire qu’il venait de conclure. Il avait acheté cet énorme manoir pour trois fois rien, sous prétexte qu’il était hanté. Le jeune homme alla dans l’immense salon et ouvrit sa plus volumineuse valise d’où il extirpa des horloges, des montres et des pendules qu’il entreprit de toutes les accrocher aux murs. Il y en avait de toutes les tailles, de tous les styles et de toutes les époques si bien qu’une heure plus tard, le salon résonnait de « Tic! , Tac! » provenant des horloges. Le jeune homme, satisfait, retourna dans le hall pour défaire ses autres valises. La journée s’écoula ainsi, tranquillement.
Le soir venu et après avoir dîné, le jeune homme d’installa dans son fauteuil et ferma les yeux. A vingt-deux heures tapantes, les horloges se mirent toutes à sonner. Il les écouta avec délectation, les paupières toujours closes. Au grenier, un grognement se fit. Un fantôme venait de se réveiller en sursaut, dérangé par le bruit des horloges. Furieux, il se martyrisa dans le salon où le jeune homme se reposait. Son apparition un petit « Pop! », tel un paquet de chips qu’on fait éclater.
« - Arrête ce bouquant!!!, hurla-t-il au jeune homme. »
Celui-ci ouvrit les yeux, étonné, avant de les refermer, comme si de rien n’était. Le fantôme, peu habitué à ce drôle de comportement, resta un instant éberlué puis sembla reprendre connaissance, écumant de rage.
« - Ne te fiche pas plus longtemps de moi, reprit-il. Fais taire ces fichues horloges et va-t’en d’ici!!! C’est MON manoir, le mien, à moi tout seul!!!
- Non, il n’est plus à toi puisque tu es mort et que tu ne l’as légué à personne. Je suis le propriétaire de cette demeure qui est la mienne. Les autorités pourront te le confirmer, répondit le jeune homme.
- Je suis sous ma seule autorité et ceci est MON manoir!!!!!, s’égosilla le fantôme.
- Ta conversation est lassante, soupira l’autre. J’ai tous les papiers nécessaires pour te prouver que je suis LE seul propriétaire de ce manoir. Tu n’as aucun moyen de me faire partir. Et puis d’ailleurs, pourquoi faire ? Il y a bien assez de place pour nous deux et je veux bien t’héberger.
- Non, non et non. J’ai été le premier propriétaire de ce manoir et je le resterai. De plus, juste avant ma mort, on m’a prédit que si je ne léguais pas ma maison à ma descendance, je mourrais dans les trois jours qui suivraient et que je serais condamné à attendre durant des centaines d’années un de mes descendants, qui prendrait possession de mon manoir. Je n’ai pas cru celui qui m’a raconté cela, je l’ai renvoyé en pensant que c’était des sornettes. Je l’ai regretté, bien plus que n’importe quelle sottise que j’aurais pu faire durant ma jeunesse.
- Et qu’est ce qui vous fait croire que ce descendant n’est pas un de ceux que vous avez fait fuir? fit remarquer le jeune homme.
- Parce que seul mon descendant peut me voir et je peux lui parler sans qu’il se mette a hurler!!!
- Et n’est-ce pas ce que nous faisons en ce moment même ?
- Oui, mais il doit posséder un objet provenant de ce manoir dans ses bagages.
- Et bien trouvez-en un et revenez après. »
Le fantôme, vexé, tourna le dos à son interlocuteur et se retrouva face au mur. Ses yeux s’arrêtèrent sur une horloge ornée d’une hirondelle en feuille d’or.
« - C’est ça!!!!!, hurla-t-il dans les oreilles du jeune homme.
- De quoi ?, demanda celui-ci en ouvrant un œil.
- C’est cette horloge qui vient de mon manoir. D’ailleurs, il t’appartient à présent. Tu vois, le fauteuil dans lequel tu es installé est orné de cette même hirondelle.
- Je connais déjà toute cette histoire. Je sais aussi que vous êtes mon aïeul, et je le savais bien avant de venir m’installer ici. Je n’ai juste pas eu le temps de le faire avant, à cause de mes études.
- Raconte-moi tout. Si nous sommes bien du même sang, notre histoire doit être mêlée.
- D’accord. J’ai grandi comme un enfant normal, dans une famille normale. J’avais deux sœurs et un frère. Un jour, ma mère, qui était malade d’un cancer me confia un secret et une clef. Je devins alors le gardien d’un très ancien secret de famille. J’ai fini mes études il y a peu de temps et j’ai décidé de chercher ce mystérieux manoir où vivait ma famille autrefois. Je ne disposais comme indice que de cette horloge. Je l’ai finalement trouve, et vous avec.
- Mais pourquoi toutes ces horloges? s’enquit le fantôme, devenu translucide. Dépêche-toi, il ne me reste plus beaucoup de temps.
- Justement, ma mère les collectionnait pour se remémorer à chaque seconde que le temps est précieux, que nous n’en avons pas beaucoup dans une vie et qu’il ne faut pas le gaspiller. »
A ces mots, le fantôme disparut à jamais, happé par le temps qui l’avait rattrapé.
Cat-Thy D. 5°B